YOUR BRIDGE BETWEEN EUROPE AND THE PACIFIC NORTHWEST


Directory Free Newsletter Contact Log in

European-American Topics - Cinema - Gondry

Dans la tête de Michel Gondry

Interview par Caroline Planque

posted September 17, 2006

Quelques semaines après sa diffusion sur les écrans français, La Science des Rêves (The Science of Sleep), dernier long métrage de l’hyper-créatif Michel Gondry, débarque sur les écrans américains. On y découvre un monde fantasmagorique, rempli d’humour et d’émotion, mais aussi de frustrations et d’incompréhension, à travers les tribulations nocturnes et éveillées de Stéphane Miroux (Gael Garcia Bernal). Lui-même a d’ailleurs bien des difficultés à les différencier ! Michel Gondry, New Yorkais d’adoption, a, quant à lui, bien su canaliser son imagination débordante !  

-         Quel est le moteur de votre créativité ?

M.G. : Mes anciennes copines ! Le moteur, à la base, est de montrer qu’on existe, surtout aux personnes de sexe opposé au mien. Mais cela ne sert pas du tout ce propos au bout du compte. Par contre, c’est utile dans d’autres domaines : professionnel, relationnel… à d’autres niveaux. Mais au niveau séduction, ce n’est pas vraiment le meilleur moyen ! 

-         La Science des Rêves contient de nombreux éléments autobiographiques…

M.G. : Je raconte un petit peu une histoire qui m’est arrivée. Mais c’est aussi un film sur la créativité. Je me suis utilisé comme laboratoire en développant le côté déséquilibré de la personne créative type. 

-         Pourquoi avoir choisi Garcia Bernal ?

M.G. : Le fait qu’il soit étranger dans son pays était intéressant. C’est un peu une protection pour moi d’utiliser l’anglais. J’aurais pris un acteur étranger de toute façon. J’avoue que je n’arrivais pas à trouver en France quelqu’un avec qui je puisse m’identifier et qui puisse servir ce personnage. C’est le premier film que j’ai entièrement écrit. Le faire complètement en français aurait été un peu trop effrayant. J’ai essayé de le faire le plus organique possible, le plus légitime. Ce n’est pas comme The Pink Panther, où l’action se déroule en France, mais ce n’est qu’un décor. Je pense que c’est un peu plus que cela. Les gens se parlent anglais alors que personne n’est anglais, finalement, dans l’histoire.  

-         Stéphane est incapable de vivre dans le monde des adultes. Refuse-t-il de grandir ?

M.G. : Il est certain qu’il n’est pas débordant de maturité. Il n’a pas de chance. Il tombe sur une relation qui ne fonctionne pas. Il fait des tentatives pour être plus adulte, mais n’y arrive pas. Le fait qu’un personnage doive changer au cours d’un film est un standard d’Hollywood. Si on prend la durée fictive du film, qui est de trois à six mois maximum, on ne change pas forcément. Les films racontent toujours l’histoire d’un changement. Il n’y a pas que ça qui arrive dans la vie. J’ai remarqué que la totalité des filles pensaient qu’ils terminaient ensemble à la fin du film et la totalité des garçons pensaient qu’ils n’étaient pas ensemble. Donc si elle va vers lui, c’est peut-être elle qui change, finalement, mais lui ne change pas. Il s’aggrave plutôt qu’autre chose.  

-         Vous avez choisi de vous installer à New York, pourquoi ?

M.G. : Je me suis installé à New York quand je préparais Eternal Sunshine. Je voulais trouver des décors et apprendre comment la vie se passait en profondeur. Ce film a pris beaucoup de temps à préparer, à tourner et à monter. Mon fils est venu vivre avec moi à New York et comme il s’y plaisait, j’ai décidé de rester.  

-         Comment vous êtes-vous adapté à la vie américaine ?

M.G. : A New York, tout est mélangé. On trouve vraiment de tout. C’est très frétillant. Il y a une énorme énergie. J’aime beaucoup retourner à Paris, où j’ai toujours mon appartement, mais après une semaine, New York me manque. On s’adapte. New York est une ville très séduisante. J’ai habité à Los Angeles avant. J’aimais beaucoup aussi, mais c’était différent. C’est une ville plus séparée. New York est extraordinaire pour l’inspiration et puis, on peut aller très vite entre l’inspiration et l’exécution. La France, c’est bien pour l’inspiration, Los Angeles, bien pour l’exécution, mais New York, c’est vraiment bien pour les deux ! On peut avoir une idée le matin, l’exécuter dans l’après-midi et avoir le résultat le soir ou le lendemain. J’adore ça, car j’ai besoin d’avoir des résultats pour me motiver à continuer.       

-         Vous êtes très prolifique. Y a-t-il un type de création (film, vidéo clip, pub, musique) dont vous vous sentez le plus proche ?

M.G. : Des choses qui sont expérimentales et qui en même temps parlent aux gens. J’avais pensé à écrire une sorte de symphonie en faisant des images, en utilisant les sons de l’instrument pour illustrer les courbes des objets dans la nature. J’essayerai de le faire, mais c’est dur à mettre en place, car il faut un orchestre complet. Quand on fait la musique originale des films, on utilise des orchestres, ce que j’ai fait trois fois, et petit à petit, j’ai découvert qu’on pouvait diriger un orchestre de manière abstraite. Pour La Science des Rêves, j’ai dirigé l’orchestre à la fin de la session pour la scène de gangster. Je regardais la scène et je dirigeais l’orchestre avec mes bras. On avait mis en place un code qui était évident. Mais c’est quelque chose de très puissant. J’aimerais prendre une batterie, me mettre face à l’orchestre, jouer un solo et leur demander de jouer mes gestes en suivant les baguettes de batterie. Je vais essayer de faire cela pour mon prochain film.  

-         Vous ne vous ennuyez jamais, somme toute…

M.G. : C’est vrai que quand on m’interroge sur la nature de mes loisirs, j’ai du mal à trouver, car j’arrive à faire en sorte que tous mes loisirs soient productifs. Cela donne l’impression de quelqu’un qui travaille tout le temps, mais en même temps, je m’amuse ! Et ce n’est pas toujours rémunéré. A part une ou deux publicités par an, mes décisions sont toujours basées sur des choix artistiques. 

-         Il y a 15 ans, vous imaginiez-vous là où vous êtes aujourd’hui ?

M.G. : Pas du tout. Je faisais des études de graphisme. J’espérais faire de l’illustration. J’ai travaillé dans une boite de calendriers, où j’ai essayé de proposer mes peintures. Je me suis fait jeté ! J’aimais bien l’animation. Un jour, j’ai acheté une petite caméra à la braderie de Lille et j’ai commencé à faire des animations en utilisant la musique de mon groupe. Et là, j’ai découvert que cela me plaisait vraiment. Je ne peux pas dire que la vie professionnelle m’ait poussé à gagner en maturité, dans le sens où, en plongeant dans mon immaturité, j’ai eu une reconnaissance que je n’aurais sans doute pas eue autrement. On vit dans une société où l’on peut être assez déséquilibré et fonctionner d’une manière très productive. Etre réalisateur ou artiste, c’est fonctionner un petit peu dans ses excès.  

-         A vos yeux, qu’est-ce qui a le plus de valeur ? La vie rêvée ou la vie réelle ?

M.G. : La vie réelle, bien sûr. Quand on fait un rêve où un événement heureux arrive, on se réveille très triste. Quand on rêve qu’on a une grave maladie, on se réveille très heureux !

 

© 2006 All content property of European Weekly unless where otherwise accredited