Olivier Dahan
Propos recueillis par Caroline Planque
Posted
June 26,
2007
Le
réalisateur de La Vie en Rose était de passage à Seattle
lors du 33ème festival du film international. Il a
répondu à nos questions.
Vous avez fait les Beaux-Arts et non une école de cinéma. Selon
vous, cela rend-t-il votre approche différente de celle d’autres
réalisateurs ?
O.D. : Oui, je pense que cela change pas mal de choses. Il y a
une énorme différence entre une école de cinéma et une école
d’art. On n’a pas le même genre d’approche, quelle que soit la
discipline. Je n’ai pas le sentiment de faire du cinéma quand je
tourne. Je ne sais pas comment les autres fonctionnent mais, en
tout cas, je ne me dis pas : moi, je suis en train de faire un
film. J’essaye de faire quelque chose de plus large. Dans une
école d’art, ce qu’on nous apprend le plus, au final, est
d’avoir une approche assez ouverte et assez expérimentale par
rapport au divers mediums artistiques, ce qui n’est quand même
pas le cas des écoles de cinéma, qui sont, de manière générale,
plus conservatrices.
Vous avez réalisé des longs métrages très différents. D’où
tirez-vous votre inspiration ?
O.D. : Je ne fais pas de différence entre les divers genres.
J’aime bien changer, car je n’ai pas envie de m’ennuyer. J’aime
bien expérimenter de nouvelles choses en changeant, comme ça, de
registre. Cela permet de ne pas s’endormir.
Est-ce que vous préférez travailler sur de gros projets
internationaux, ou bien sur des films plus intimistes ?
O.D. : J’aime bien le deux. J’aime bien alterner des petits
films plus « libres » avec des films plus importants, si j’ai
la chance de pouvoir le faire, en tous cas. Mais ceci dit, une
fois que je suis en train de travailler sur un film, je ne pense
pas au budget et à ce que cela représente en soi. Je ne
me levais pas le matin pour aller tourner La Vie en Rose
en me disant : bon, attention, c’est un gros film.
Vous sentez-vous plus proche d’un de vos films en particulier ?
Lequel et pourquoi ?
O.D. : Je me sens assez proche de La Vie en Rose. Je ne
sais pas si c’est parce que c’est le dernier, mais j’ai mis pas
mal de choses personnelles dedans. J’ai écris le scénario, ce
que je n’avais pas fait pour le film précédent, qui était un
film d’action, que j’ai fait vraiment pour m’amuser. Après ça,
j’ai eu besoin de revenir à quelque chose de plus personnel.
Tout est personnel. Il n’y a pas un truc plus qu’un autre. Cela
va du nom de certains personnages à des situations que j’ai
vécues moi-même.
Votre film est un véritable tour de force, tant du point de vue
du casting et de l’interprétation que des moyens mis en œuvre
pour recréer l’atmosphère de l’époque. Quel a été l’aspect le
plus difficile pour vous au cours de tout ce travail ? Et le
plus gratifiant ?
O.D. : Rien pendant le tournage, mais plutôt avant le tournage.
On n’avait pas beaucoup de temps pour préparer le film. J’étais
épuisé avant de démarrer le tournage, tellement nous avions de
choses à faire à la fois. Que ce soit les dessins pour les
décors, les costumes… Nous avons fait tout cela en l’espace de
deux mois et demi. Il en aurait fallu six. Tout cela était
épuisant et stressant : je me demandais comment on allait faire.
Quand je suis arrivé le premier jour du tournage, c’était comme
si je venais de courir un marathon avant de faire un cent
mètres ! Mais très vite, l’énergie est revenue dès le deuxième
jour et puis, après, tout s’est bien passé pendant le tournage.
Au final, pour moi, la partie la plus difficile était la
préparation. Le tournage a pris quatre mois et demi, ce qui est
plutôt long, mais j’aime bien les tournages. Je suis à l’aise et
je ne suis pas stressé pendant que je tourne.
Est-ce qu’il a été parfois difficile de travailler avec une
équipe aussi internationale ?
O.D. : Non, ce qui est facile est de travailler avec des gens
qui ont du talent. Et même si ce sont des gens qui sont
difficiles, je préfère travailler avec eux qu’avec des gens qui
n’ont pas de talent. Mais là, en l’occurrence, tout le monde
était totalement soudé pour ce film. Il y avait des Tchèques,
des Italiens, des Anglais, des Français, des Japonais, et tout
le monde était totalement soudé. Ce n’était pas une histoire de
langage ou de pays.
Concernant Edith Piaf, vous êtes-vous donné beaucoup de libertés
pour adapter l’histoire de sa vie ? Quelles en ont été les
priorités ?
O.D. : Oui, mais pas dans les faits, puisque j’ai raconté la vie
de quelqu’un qui a existé. 95% des choses qui sont dans le film
sont vraies. Après je me suis accordé la liberté de mettre les
choses dans l’ordre dans lequel je voulais. J’ai pris ma liberté
dans la structure narrative, mais pas dans les faits.
Que connaissiez-vous d’Edith Piaf avant de vous lancer dans ce
projet ?
O.D. : Peu de choses, en fait. Comme tout le monde, quelques
chansons. Quand on grandit en France, on n’y échappe pas. Je
connaissais un petit peu l’histoire de Marcel Cerdan. J’ai
beaucoup lu et j’ai découvert beaucoup de choses à mesure que
j’avançais dans le processus d’écriture. L’écriture du scénario,
avec le temps de lecture, m’a pris presque un an.
Aviez-vous écrit des scénarios par le passé ?
O.D. : Oui, quelquefois, j’aime bien les écrire et quelquefois
j’aime bien qu’on me les écrive. C’est plus simple, quelque
part, d’arriver avec un scénario préexistant. C’est moins long.
Ceci dit, une fois qu’on tourne, on est complètement dedans,
qu’on l’ait écrit ou pas. Même si je n’ai pas écrit le scénario,
je me l’approprie d’une manière ou d’une autre, de telle façon
qu’à la fin, je n’ai pas le sentiment de faire le film de
quelqu’un d’autre.
Que gardez-vous d’Edith Piaf une fois le film terminé ?
O.D. : J’écoute aujourd’hui ses chansons différemment. Je
connais maintenant la charge émotionnelle de chaque chanson.
Vous a-t-elle influencé ou inspiré d’une façon ou d’une
autre dans votre vie ou votre sensibilité d’artiste?
O.D. : Oui, certainement, bien sûr, même si c’est un peu
difficile à exprimer ou à discerner pour moi. En apprenant sur
la vie de quelqu’un, on apprend souvent sur sa propre vie aussi.
Avez-vous déjà un autre projet en tête ?
O.D. : Je suis en train de lire les scénarios qu’on me propose,
la plupart en anglais, d’ailleurs, des films américains en
l’occurrence.
Cela vous tenterait de venir travailler ici ?
O.D. : Oui, j’aime bien changer. Jusque là, on me proposait des
films d’action, car je venais de terminer un film d’action en
France, mais, par contre, je n’avais pas envie de venir ici
faire un film d’action. Mais maintenant, on me propose autre
chose, donc on va voir…
Cela ne vous embête pas que les réalisateurs aux Etats-Unis
soient beaucoup plus à la botte de leurs producteurs…
O.D. : Ce qui est important, c’est de le savoir avant. Après, on
sait où on met les pieds. En même temps, je pense pouvoir
m’adapter. Il faut que je trouve le bon scénario. Changer de
langue serait intéressant.
Aviez-vous choisi Edith Piaf, un personnage mondialement connu,
en espérant que cela allait vous ouvrir des portes à
l’étranger ?
O.D. : Non, car si on commence à penser comme ça lorsqu’on écrit
ou que l’on a une idée en tête, je ne pense pas que ce soit une
bonne façon de procéder. Je n’étais pas en train de chercher une
idée internationale, car ce n’était pas déjà une idée évidente à
financer de la France. Quand nous recherchions l’argent, au
début, pour faire le film, beaucoup de gens, la plupart, même,
nous disaient : non, c’est trop vieux. Edith Piaf, ça
n’intéresse personne au cinéma, les jeunes n’iront pas voir le
film. Alors de là à penser que le film aurait un attrait
international… Je savais que Piaf était connue plus ou moins
dans le monde entier, mais c’est tout.
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