Interview:
Paul Ahmarani
Propos recueillis par Caroline Planque
Posted
July 16,
2007
Six ans après avoir présenté son premier long métrage La
Moitié Gauche du Frigo au Seattle International Film
Festival, le réalisateur Québécois Philippe Falardeau était à
nouveau en compétition en 2007 pour son second long métrage
Congorama, une comédie dramatique étonnement bien ficelée
entre le Québec et la Belgique, où l’on retrouve son acteur
fétiche Paul Ahmarani, ainsi que l’excellent Olivier Gourmet,
plus connu d’ailleurs pour ses rôles dramatiques dans les films
des frères Dardenne.
Congorama,
déjà sorti à l’écran sur le vieux continent, n’a toujours pas
trouvé de distributeur aux Etats-Unis. Par contre, il est
disponible en DVD chez Amazon.
Paul Ahmarani
était de passage à Seattle lors du 33ème
festival du film et a répondu à nos questions.
Deux films avec Philippe Falardeau, deux films avec Sébastien
Rose, les réalisateurs québécois semblent vous être fidèles ?
P.A. : Oui, j’aime bien travailler avec les mêmes artistes. On
établit un lien avec de bonnes habitudes de travail. On se
connaît bien. Avec Philippe, on est des vrais copains, de sorte
qu’on se comprend sans avoir besoin de se parler. Alors des
habitudes se créent et le travail devient vraiment un grand
plaisir. Ce sont l’un comme l’autre des hommes très, très
brillants. Et cela se voit dans leurs films.
Avec Congorama vous passez dans un autre registre de
rôle, à savoir un personnage beaucoup plus renfermé sur lui-même
et moins exubérant que n’ont pu l’être vos rôles précédents.
Comment avez-vous abordé ce personnage que Philippe dit avoir
écrit pour vous ?
P.A. : Philippe et moi avons travaillé et répété ensemble. J’ai
travaillé un certain minimalisme dans le jeu. C’est un
personnage qui est sur son quant-à-soi. Philippe disait qu’il
fallait que ce personnage-là n’ait pas le caractère empathique
que je dégage normalement. On a beaucoup travaillé pour
déconstruire un pilier de ma personnalité et pour trouver
quelqu’un qui n’est pas nécessairement sympathique ou intéressé
par les gens. Il est dans son truc. Et pour moi c’était vraiment
un rôle de composition ou de décomposition. Cela a été un
travail très particulier pour moi.
Est-ce que vous préférez jouer des rôles comiques ou
dramatiques ?
P.A. : J’aime tout ce qui est très différent à chaque fois.
J’aime bien explorer ce qui est différent, registre de jeu,
registre de temps.
Dans ce film, Philippe Falardeau utilise des pointes comiques
plutôt subtiles, il joue sur les situations, les contextes, les
différences culturelles. Il utilise parfois un humour
pince-sans-rire, ou doux-amer. Qu’est-ce que cela représente,
comme travail d’acteur ? Est-ce que ça demande beaucoup de
répétition ? Est-ce que Philippe vous a beaucoup guidé ?
P.A. : L’humour de Philippe est l’humour de la vie et de comment
la vie peut être assez rigolote sans qu’on le veuille. L’humour
est étonnant, c’est ce qui arrive aux personnages. Mais il faut
toujours être dans le présent, dans le sérieux, Ce n’est pas
particulièrement difficile à jouer. Je pense que quelqu’un qui
n’aurait pas d’esprit, qui ne comprendrait pas ce type d’humour
aurait plus de difficultés à jouer.
Avez-vous vos propres « héros » du cinéma ? Des acteurs modèles,
qui vous ont inspiré dans votre carrière ?
P.A. : Oh mon dieu ! Olivier Gourmet en était un. C’est
quelqu’un de très, très gentil et de très facile d’approche.
Après je suis inspiré par d’autres acteurs très différents,
autant Brando que Fabrice Lucchini, par exemple.
Comment s’est passée votre collaboration avec Olivier Gourmet,
un acteur à fort potentiel dramatique ?
P.A. : Très bien. Etonnamment, on ne s’attend pas du tout à ça
venant de lui, mais Olivier est quelqu’un d’extrêmement cabotin.
Il rigole tout le temps, mais dès que les moteurs tournent, il
devient cet espèce de menhir, cette force minimaliste. Mais
avant ça, il est toujours dans l’humour.
Congorama
traite de la recherche d’identité et d’appartenance par le biais
de la paternité… Votre personnage est celui qui arrive à tout
connecter mais il choisit de se taire…
P.A. : En fait oui, il donne le livre à sa mère. Et il met entre
les mains de sa mère la responsabilité de réunir ou non sa
famille, de dire à Michel : « Voila, je suis ta mère, voici ton
frère. » Philippe ne voulait pas faire quelque chose de
complètement mélodramatique où j’aurais du dire : « Bah voila,
je suis ton frère. » Cela n’était pas intéressant et ne cadrait
pas avec le personnage qui est beaucoup plus en retenue. Une
approche plus sobre marchait beaucoup mieux.
Vous êtes un artiste assez versatile, puisque vous partagez
votre temps entre le cinéma, le théâtre, la chanson. Y a-t-il
une de ces activités qui vous tient particulièrement à cœur ?
P.A. : Oui, le cinéma. C’est le médium dans lequel je suis, je
pense, le plus à l’aise. J’aime aussi beaucoup faire du théâtre,
mais c’est très différent et demande à l’acteur des habilités,
des qualités complètement différentes.
Comment en êtes-vous venu à la musique ?
P.A. : Par plaisir, j’ai toujours gratté un peu la guitare et
écrit un peu de texte dans ma vie. Il fallait trouver le
momentum dans la vie où j’avais des choses à dire et puis voila,
c’est venu assez naturellement.
J’ai également lu que vous étiez membre d’Amnesty. Qu’est ce qui
vous émeut, vous inspire et vous fait avancer dans la vie ?
Est-ce que vous prenez souvent part pour des grandes causes ?
P.A. : Oui, j’essaye d’être porte-parole de causes qui, selon
moi, valent la peine d’être défendues, comme Amnesty
International, la Palestine. Je pense que tant qu’à être une
figure publique, il faut bien l’utiliser pour quelque chose de
moins futile. Alors si je peux aider grâce à ça, je le fais ! Je
me sens appelé à faire cela car j’ai été éduqué dans une famille
où l’humanité, l’histoire, les sciences humaines sont très
importantes. J’ai fait Sciences Po. Je suis intéressé par tout
ça. Et puis, je trouve que c’est une bonne place pour un
artiste !
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