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Vérité et réconciliation

Un auteur camerounais prône les réparations morales suite à la traite négrière.

Article et photo par Caroline Planque
 


Arrivé pour parfaire sa formation d’ingénieur aux Etats-Unis en 1989, Dieudonné Mayi, Camerounais d’origine, vit depuis plusieurs années dans la région de Seattle, où il travaille en tant qu’informaticien. Cependant, sa passion et son cœur sont ailleurs, dans l‘écriture et la réflexion des conséquences de la traite négrière sur le peuple africain. Réflexion commencée en 2001, au terme de laquelle Dieudonné Mayi a publié en 2004, The Selling of Joseph : A Healing Message from History, An African Apologizes for Slavery. Dans son livre, il expose la nécessité pour les Africains de reconnaître leur responsabilité dans le trafic d’esclaves vers les Amériques. Car selon lui, une véritable réconciliation entre le peuple africain et leurs frères transatlantiques ne pourra s’effectuer sans une reconnaissance morale des torts commis par ce premier. Une édition révisée de son ouvrage est prévue pour février prochain.  

1-      Pensez-vous que vous auriez un jour traité du sujet si vous étiez resté dans votre pays natal, le Cameroun, au lieu d’émigrer aux Etats-Unis ?

Quand j’étais au pays, je n’étais pas exposé à cette lecture, à d’autres idées et surtout aux faits. On avait un petit peu appris la traite négrière à l’école primaire. Je savais juste que des gens avaient été capturés par les Européens. Ils avaient été vendus pour travailler dans les plantations aux États-Unis. Ce n’était pas plus développé que ça. Je ne suis pas le seul. Beaucoup ne savent pas ce qui s’est passé. Encore aujourd’hui, dans les régions plus touchées, les gens peuvent en savoir un peu plus, mais ils ne sont pas conscients de la douleur qui accompagne cela. J’ai découvert cela il y a 5 ans. Je me suis instruit sur le sujet. Le fait que je sois venu ici a beaucoup aidé. 

2-      Existe-t-il aujourd’hui des tensions entre la communauté noire-américaine et la communauté des récents immigrés africains ?

C’est quelque chose que j’ai découvert en arrivant ici. Il n’y a pas de friction, mais il y a une certaine distance, méfiance, compétition. Un des grands thèmes de mon livre est de comprendre pourquoi cette distance.  

3-      Il existerait donc une certaine rancœur ?

On ne peut pas l’exprimer, mais moi, je la sens tout le temps aux Etats-Unis. Pour utiliser une image, je dirais que cela ressemble à la sédimentation. Le long des rivières, les sédiments se déposent et, après 50 ans, forment une colline. Mais quand vous êtes en haut de cette colline, vous ne savez pas ce qu’il y a en bas. C’est un ressentiment qui s’est construit au fil du temps. Ce n’est sans doute pas tout, mais c’est une composante majeure. Même si on ne veut pas en parler. 

4-      La cause serait donc la vente des africains par leurs frères…

Il faut faire attention quand on parle de vente. Les prémisses sont importantes. Cela a commencé comme un échange. Les nations d’Europe avaient un programme : développer le nouveau monde. Il fallait de la main d’œuvre. Je veux vraiment insister sur le fait que la responsabilité des Africains est dans la collaboration. Michel Beaud l’a bien démontré. La traite négrière est le résultat de la naissance du capitalisme. Pour lui, c’était un phénomène inévitable. Quelqu’un devait jouer la main d’œuvre. Ce n’était pas un problème racial. C’était un problème économique qui, en fait, a eu des connotations raciales un peu plus tard. Il ne faut donc pas dire que les Africains ont commencé à se vendre l’un et l’autre. Il y a eu un crime social où les responsables de ces communautés se sont fait appâter. « Donnez-nous quelques indésirables. » Le trafic a commencé ainsi. Après, la demande a augmenté et quand certains Africains ne voulaient plus vendre les leurs, c‘est eux qui se retrouvaient vendus. 

5-      Quelle a été la réaction des lecteurs à la sortie de votre livre ?

J’ai fait des présentations à Seattle et en Oregon. Les Africains étaient horrifiés. Mes amis m’ont dit : « Tu es tombé sur la tête. Tu ne sais pas de quoi tu parles ! » Après avoir lu le livre, leur réaction a évolué. Par contre, la réponse des  Noirs Américains a été absolument fabuleuse, ce qui m’a encouragé. Une femme m’a dit : «  On n’a jamais entendu ça. » Au départ, quand je présentais ce livre, les gens étaient complètement horrifiés, ils ne voulaient pas en parler par ce que c’était pénible pour tout le monde. Mais j’ai insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une critique, mais au contraire d’un processus de réconciliation.   

6-      Pensez-vous que cette réconciliation soit un jour possible ?

Des excuses ont été faites, mais pas à grande échelle. Il y a eu un tort. Et ce n’est pas une histoire ancienne, puisqu’il y a encore des retombées aujourd’hui. Le processus de reconnaissance morale des torts est très puissant, plus puissant que des déboursements d’argent. Le problème des réparations économiques est en train de prendre de la vitesse. Mais moi, je n’adresse pas cela. Je ne suis pas contre, mais j’adresse plutôt les réparations morales. Il faut arriver à se mettre dans la peau des victimes, comprendre leur douleur, et ensuite leur demander pardon. Il faut qu’à grande échelle on dise : « Nous, les Africains, nous avons reconnu notre responsabilité et demandons pardon sincèrement. » Et cela est différent d’une déclaration faite par un président. Cela doit venir du peuple.

 

Pour plus d’information, visitez : http://authors.aalbc.com/mayi.htm

Mais de quoi ça parle ?

What is this all about?

Truth and Reconciliation  

A native from Cameroon, Dieudonné Mayi moved to the United States 16 years ago to study computer engineering. He is currently working as a software developer in the Seattle area but his passion and heart lie in another field: writing. In 2004, after three years of research, he published The Selling of Joseph: A Healing Message from History, An African apologizes for Black Slavery. In his book, he pleads for an apology on the part of continental Africans for their actions and responsibility in engaging in the slave trade. Mayi insists that although Africans did not start the slave trade, they collaborated with the Europeans in providing the workforce, capturing and selling fellow Africans. Based on that fact, he sincerely asks his transatlantic brothers for forgiveness and promotes moral reparations as the key element to healing of the past. A revised edition of his book is coming out next February.

For more information: http://authors.aalbc.com/mayi.htm



 

 

 

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