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American Vertigo, vertige de l’ego ? 

Article par Caroline Planque
 

Les souliers de Tocqueville seraient-il trop grands pour Bernard Henri Lévy ?

Coup médiatique ou véritable démarche intellectuelle ?  BHL voit grand, BHL voit loin. Invité par la revue Atlantic Monthy en 2004, en pleine période préélectorale, à parcourir les Etats-Unis pour en quelque sort retracer l’itinéraire d’Alexis de Tocqueville, BHL nous fait part de son regard à la fois critique, mais aussi admiratif, toujours français, sur l’état de la démocratie américaine à l’aube du XXIème siècle.

Né de cette série d’articles publiés dans le Atlantic Monthly, American Vertigo (publié par Random House) est sorti le 22 janvier aux Etats-Unis, avec deux mois d’avance sur le calendrier français, une première pour l’auteur philosophe, élevé au rang de quasi-star en France, où sa démarche est cependant souvent fortement décriée. Après tout, une mauvaise publicité ne vaut-elle pas mieux que pas de publicité du tout ? 

Qu’en est-il donc du Vertige Américain ? Au-delà des clichés, et ils sont nombreux dans le livre, l’analyse sonne souvent juste, à défaut d’être originale pour qui a tant soit peu la volonté d’une démarche intellectuelle honnête vis-à-vis de la situation politique, économique et sociale américaine.  

Clichés, le choix et la description des lieux et des personnes ? Souvent, même s’ils ne sont pas toujours dénués d’un humour parfois subtil et bienvenu, en tout cas aux yeux des expatriés, français en particulier. Les Américains riront sans doute moins, et se sentiront peut-être même incompris, voire personnellement insultés, comme ce fut sans doute le cas pour Garrison Keillor. Les hauts lieux de la géographie américaine se limiteraient-ils au Grand Canyon et à Mont Rushmore ? BHL a-t-il déjà entendu parler de Big Bend National Park, l’un des plus grands parcs américains, certes pas l’un des plus médiatiques, mais l’un des plus fascinants ? En tout cas, il semble que son chauffeur - c’est bien connu, les stars aiment se faire conduire - n’ait pas fait le détour par ce coin du Texas après 25 000 kilomètres passés sur la route. La description de Seattle, Seattle, Mon Amour, lue avec emphase par BHL lui-même, en public lors de son passage en ville, fera sourire plus d’un habitant de la ville. Et cette fois-ci, non grâce à son humour.  

Juste, l’analyse ? Il faut bien le reconnaître ! Evidement, cela met toujours du baume au cœur du lecteur de se voir conforté dans ses propres idées, même ou surtout, selon les goûts, si elles sont présentées avec style et panache. American Vertigo nous présente un pays en proie à une grave crise politique et intellectuelle, et qui, sous des airs faussement assurés, doute de lui-même. Le modèle démocratique s’essouffle face à un conformisme grandissant. La tyrannie de la majorité, décrite par Tocqueville, s’étend, doublée maintenant d’une tyrannie des minorités. L’Amérique est victime de sa gloutonnerie et de son obésité à tous les points de vue : obésité politique, budgétaire, religieuse, économique, sociale et physique. La gauche américaine est en déroute, faute d’avoir trouvé un candidat prêt à se battre pour ses idées, aussi différentes soient-elles du modèle républicain, et surtout un candidat ne cherchant pas un consensus tiède en adoptant la voie du milieu, comme se fut finalement le cas aux dernières élections. BHL reste convaincu par le modèle démocratique américain, né d’un équilibre entre l’intervention de l’état et la capacité de ses citoyens à prendre leur propre destin en main, même s’il en dénonce le flagrant déséquilibre actuel et l’insuffisance de l’intervention étatique fédérale et locale, lors de Katrina par exemple. Malgré une situation pour le moment bien sombre, il ne désespère pas de voir le pays se redresser. Bien au contraire, il garde la foi en la fabuleuse capacité qu’ont les Américains de toujours se réinventer, remodeler leur identité et prendre en charge leur destinée par le biais de l’initiative individuelle : philanthropie et mouvements populaires (« grassroots organizations »).  

Enfin, il serait injuste de finir cet article sans parler de l’homme lui-même, tant il a fait et fera encore couler de l’encre à son sujet. Il peut être à la fois lui-même et son contraire, tel l’une de ces formules qu’il affectionne particulièrement. Modeste, comme lors de son apparition publique à Seattle, pendant laquelle il s’est tout de même proposé pour prendre le rôle, vacant, de l’intellectuel public aux Etats-Unis (la France ne voudrait-elle plus de lui ?) ; mais aussi, et surtout, lorsque côtoyé de près, tellement arrogant. Quant à ses rencontres avec les Américains, BHL aime à souligner sa préférence à discuter avec des anonymes, même si son livre regorge de grands noms tirés du carnet mondain et que sa célébrité semble lui ouvrir toutes les portes, de Sharon Stone à John Kerry, en passant par Guantanamo Bay. Peut-être ces anonymes étaient-ils impressionnés par cet étrange cortège : l’intellectuel et son chauffeur, apparemment suivis d’un minibus de cinéastes français documentant le « making of » d’American Vertigo. Il en faut souvent moins que cela à un anthropologue pour effaroucher ses sujets ! 

Finalement, faut-il voir dans American Vertigo un livre sur la société américaine ou plutôt les tribulations d’un écrivain français venu redorer son blason aux Etats-Unis ?

 

Mais de quoi ça parle ?
What is this all about?
 

American Vertigo, ego’s vertigo? 

Are Tocqueville’s shoes too large for Bernard Henri Lévy? 

It all started with a series of articles commissioned by the Atlantic Monthly. The idea was to send a famous French author, Bernard Henri Lévy, better known in France as BHL, in the footsteps of his fellow countryman Alexis de Tocqueville to survey and analyze the current state of affairs of the American democracy. A couple years later, BHL presents his findings in American Vertigo, which was released on January 22nd in the United States, a couple months ahead of its French release. BHL rarely leaves people indifferent (he is much decried in his own country) and his latest work will probably not escape this rule. American Vertigo is enjoyable to read, with a good dose of humor that will probably fit the French taste better than the American one. But it is also full of clichés and its conclusions, although well written, are nothing new to anyone who has enough intellectual honesty to face the truth about the current American political, economic and social climate. Add to this the fact that BHL was chauffeured across the 18,000 miles of his American Odyssey, and followed by a van of French filmmakers documenting the making of American Vertigo, and you’ll end up wondering whether this book is more about American democracy or about BHL himself.



 

 

 

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